Le soleil se levait à peine; ce qui ne suffisait pas à éclairer les grottes montagnardes. Un grand matou gris et blanc se leva à contrejour, ce qui créa une magnifique couronne de lumière.
"Chats de la Tribu de l'Eau Vive !" feula-t-il.
Aussitôt, de nombreux félins surgirent de tous les coins de la grotte, se plaçant au pied du rocher sur lequel s’était levé le matou.
« Aujourd’hui, les chats du Clan du Feu peuvent enfin repartir sur leurs terres. La saison des tempêtes de neige se sont écoulées, et, après onze lunes à nos côtés, ils ont fait le choix de retrouver leur famille. Mais, d’abord, j’aimerai honorer certains chats comme il le faut. »
Des murmures questionneurs se firent entendre, venant de tous les chats.
« Plume de Corbeau », appela-t-il.
Un grand mâle, musculeux au pelage noir de jais, s’avança.
« Nous t’écoutons, Conteur, miaula-t-il en s’inclinant.
-Tu nous a beaucoup aidé durant cette dure période. Tu as les qualités d’un chasse-proie né dans la Tribu. J’aimerai te remercier en te donnant un nom de la Tribu, par lequel nous t’appelleront, et qui restera secret. »
Après un petit moment d’hésitation, il se décida.
« J’accepte ta proposition, Conteur.
-Bien. Par les pouvoirs qui me sont conférés, je déclare que la Tribu de l’Eau Vive t’appellera désormais Corbeau aux Grandes Ailes, car tu arriverais presque à voler si tu étais né parmi nous. »
Plume de Corbeau recula et se plaça auprès des siens.
« Fourrure de Renard, continua-t-il tandis qu’un jeune chat roux avança. Tu as l’étoffe d’un garde-caverne, un défenseur, qui nous a aidé à battre chacun de nos ennemis. Je voudrais te faire la même proposition que j’ai faite à Corbeau.
-J’accepte, bien entendu, ronronna-t-il.
-Alors, par les pouvoirs qui me sont conférés, je déclare que la Tribu de l’Eau Vive t’appellera désormais Renard aux Griffes Aiguisées, en honneur à ta force, à ta ruse et à ton courage. Et enfin, Aile Givrée », fit-il alors que Fourrure de Renard reprenait sa place.
Un matou musculeux, plus grand que les deux autres, arriva devant Conteur. Il avait un beau pelage gris pâle soyeux, bien entretenu, tout de même avec quelques cicatrices. Ses yeux étaient d’un bleu glacé envoûtant.
« J’aimerai te faire la même proposition que j’ai faite à Corbeau et à Renard. Mais, toi, tu n’es pas que fort. Tu nous as apporté tellement d’aide que je ne pourrai tout citer. Et, surtout, tu es autant doué à la chasse et au combat qu’à la médecine. En plus de te donner ton nom de la Tribu, j’aimerai que tu restes parmi nous, ainsi, je pourrai t’entraîner pour devenir le prochain Conteur. »
Des murmures surpris s’élevèrent ; mais Aile Givrée restait calme.
« J’accepte mon nouveau nom, Conteur, miaula-t-il sereinement. Mais je ne resterai pas ici. J’ai besoin de retrouver les miens.
-Bien. Aile Givrée, je déclare que la Tribu te nommera Givre Posé sur le Roc. La Tribu t’honorera autant qu’il le faille pour que ton nom reste en nos mémoires. Maintenant, faites vos adieux ; vous partirez à midi. Je serai dans ma tanière si vous me cherchez. »
Aile Givrée chercha sa compagne des yeux, avant de la voir tapie dans l’ombre de la grotte.
« Grive ? »
Elle émit un petit grognement mécontent, puis elle se leva et se mit face à lui.
« Pourquoi tu ne restes pas avec nous ? demanda-t-elle. Normalement, c’est Brume qui devait devenir le prochain Conteur. Je n’en ai aucune envie. Toi, tu ferais un bon successeur !
-Je ne peux pas, je suis désolé… Mais je ne peux pas abandonner les miens.
-Apparemment, tu n’es pas prêt à faire de même pour tes chatons. »
Il recula brusquement, surpris qu’elle ait choisi ce moment pour le lui avouer.
« Mais … Pourquoi tu… Ne me l’as pas dit avant ?
-Parce que je ne l’ai su qu’hier, crotte de souris ! cracha-t-elle. Ce n'était jamais le bon moment, d'après toi."
Elle se retint de lui sauter dessus mais dut planter ses griffes le plus profondément possible dans la terre.
« Aile Givrée… Je t’aime, et tu le sais. Pourquoi tu ne restes pas avec moi ? Avec eux ? Avec nous ? Tu sais que je ne m'entends pas avec mon frère. Pour moi, qu'il devienne le prochain Conteur serait comme perdre tout ce que j'ai.
-Grive, je… »
Il y eut un grand moment de silence avant que la femelle se décida à partir, déçue.
« Ce ne sont pas les adieux que j’imaginais, marmonna-t-elle. Ils grandiront avec un seul parent. Comme moi. Je ne pensais pas que tu ferais la même erreur que lui… Tu verras, un jour, un de nous te retrouverons, et là, soit moi, soit l’un d’eux te fera la peau ! Tu as de la chance que je ne tue pas sur-le-champ, Givre ! »