Une silhouette vive comme le vent s’élança entre les buissons enneigés. Deux autres la suivirent, et les mystérieux félins arrivèrent bientôt devant un énorme rocher face au levant.
« Je suis arrivée la première ! lança Colombe.
-C’est pas vrai ! C’est moi, le premier, fit Lac.
-Non, c’est bien Colombe qui est arrivée la première », rétorqua Faucon.
Lac grogna et se mit bientôt à ronronner d’amusement.
« C’est toujours elle la première ! J’en ai marre, moi.
-Comme quoi, c’est pas si mal, d’être la deuxième de sa portée. »
Faucon allait bientôt atteindre ses huit lunes ; l’âge de devenir aspirant. Il aimerait tant devenir garde-caverne ! Malheureusement, tout le monde disait qu’il deviendrait chasse-proie, qu’il en avait le physique comme les qualités. Il ne les croyait pas.
« Et si on allait voir Plume ? proposa Faucon. Elle est toujours avec Branche, et on ne peut jamais s’amuser avec eux.
-D’accord ! » firent en chœur Lac et Colombe. « Je vais arriver le premier, cette fois, lança le matou.
-Non, c’est moi ! »
Faucon suivit Lac et Colombe dans leur course. Bien sûr, sa sœur était en tête, comme toujours ! Malheureusement pour leur ami, elle arriva un peu avant les deux matous.
« J’ai encore gagné !
-C’est nul ! J’en ai marre que tu gagnes toujours. Tu vas voir, moi, je vais devenir chasse-proie et courir plus vite que toi, parce que toi, tu deviendras une garde-caverne !
-C’est bien aussi, d’être garde-caverne, rétorqua-t-elle. Au moins, on est aussi vif et agile qu’une souris. Après quelques jours d’entraînement, lorsqu’on vous cherche, c’est comme flairer une famille de souris durant la saison froide ! C’est impossible de vous trouver !
-C’est pas vrai !
-Si, c’est vrai !
-Non ! »
Lac sauta sur Colombe et la plaqua au sol, à la grande surprise de Faucon. Le pelage tout entier de la femelle se hérissa de peur et de surprise.
« Bas les pattes ! cracha-t-elle en le repoussant. Tu sais que je déteste quand tu me fais ça !
-C’est justement pour ça que je le fais », rétorqua-t-il en se relevant.
A la fin de cette phrase, Plume et Branche s’approchèrent.
« Bonjour ! lancèrent-ils.
-Eh ben, vous en avez mis du temps ! marmonna Colombe. Pourquoi vous restez tout le temps dans la grotte ? Vous ne voulez pas aller un peu dehors ?
-On n’a pas l’âge, rétorqua Plume en se plaçant près de Faucon. Vous allez vraiment en dehors de la grotte ? »
Faucon et Plume se regardèrent. Ils étaient amis depuis la naissance et avaient grandi ensemble ; il fallait bien avouer qu’il était un peu jaloux de Branche. Un peu, ou beaucoup, même.
« Je crois que c’est bientôt l’heure de votre baptême, fit remarquer Lac. Conteur a dit qu’aujourd’hui, vous avez l’âge d’être aspirants, et il fait toujours les baptêmes à midi.
-Ce serai trop bien ! lança Colombe. J’aimerai savoir si la Tribu a raison sur le fait que Faucon deviendra chasse-proie. »
Et moi, j’espère que non, songea le jeune matou.
Il n’avait en aucun cas envie de devenir chasse-proie. Même la Tribu de la Chasse Éternelle ne pourrait le faire changer d’avis. Même l’esprit de son père qu’il n’a jamais connu… Ni Colombe ni Branche n’avaient cherché à connaître son identité. Ils s’en fichaient ; il n’y avait que lui qui s’y intéressait.
« J’arrive, miaula Faucon. Je vais demander quelque chose à Grive.
-On t’attendra à la « Rivière à l’Eau Brûlante » ! »
Faucon se mit à marcher jusqu’à la grotte-pouponnière. Il y vit sa mère, Herbe et Fourrure qui discutaient. Grive ne fut pas étonnée de voir son fils.
« G..Grive ?
-Oui, Faucon ?
-Je.. Je peux savoir qui est mon père ?
-Répète-moi trois fois le nom complet de tous les chats de la Tribu et je répondrai à toutes tes questions. »
Faucon retira toute idée de sa tête et était sur le point de repartir quand elle l’interpela.
« Je reviens », dit-elle à Herbe et Fourrure.
Elle fit un signe de la queue demandant à Faucon d’aller en dehors de la grotte.
Lorsqu’il sortit, il sentit la douce brise sur sa fourrure qui le fit trembler de bonheur. Grive s’assit en face de lui.
« Je t’ai toujours répété que je ne peux pas te révéler son identité ! cracha-t-elle.
-Mais moi, je veux savoir ! Colombe et Branche s’en fichent, eux ; mais je suis pas pareil.
-Tu devrais prendre exemple sur eux. Ton père n’est pas une bonne personne ; il devrait être oublié de tous, au lieu d’avoir eu une place de héros dans le cœur de tous !
-Un héros ? Mon père était un héros ? »
Grive soupira et s’allongea. Faucon se blottit contre elle, et il s’imagina à l’époque ou il n’était encore qu’un chaton minuscule, lorsqu’elle le berçait pour l’endormir. Une époque où je ne me souciais pas de l’identité de mon père.
« Je ne peux même pas connaître son nom ?
-C’est ce que tu cherches à connaître, non ?
-Pas même d'où il vient ?
-Je… Oui, tu en as le droit… »
Grive s’assit. Elle regarda vers le levant, les yeux plissés à cause du soleil.
« Ton père est… Est l’un des chats qui vit dans la forêt, au pied de la montagne. Il vit dans l’un des trois clans, le Clan du Feu.
-Le Clan du Feu…?
-Tu aurais grandi aux côtés d’un père aimable et attentionné s’il n’avait pas décidé de partir ! » Elle planta ses griffes profondément dans la terre. « Il se nommait Aile Givrée… Mais Conteur lui a donné un nom par lequel nous l’appelleront pour toujours dans la Tribu. Ce nom est Givre Posé sur le Roc.
-Aile Givrée…
-Il était un chat adorable… Beau, fort, et intelligent. Seulement… Il est parti. Sans demander son reste, alors qu’il aurait pu être le Conteur actuel. » Elle soupira, et Faucon devina qu’elle regrettait son ancien compagnon. « Tu sais, excepté votre pelage, vous lui ressemblez beaucoup, Colombe et toi.
-Vraiment ? »
Herbe arriva à ce moment-ci cherchant son amie.
« Ah, Grive ! Tu t’es enfin décidée à lui parler de son père. »
Grive acquiesça. Faucon savait qu’elles étaient meilleures amies depuis leur enfance, et avoir des petits en même temps les avait encore plus rapprochées. De plus, Branche et lui étaient si proches de Plume… Sa devrait leur faire plaisir, non ?
« Que toute la Tribu de l’Eau Vive s’approche du Grand Rocher pour une réunion de la Tribu ! »
Faucon, Grive et Herbe sursautèrent à l’appel de leur soigneur. Ils s’approchèrent en même temps, s’installant le plus près possible du rocher tout en voyant Conteur. Les autres s’installèrent tandis que Faucon, stressé, pensait au jour de ses huit lunes qui était aujourd’hui.